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Les raisons de la crise du rugby gallois

Dernière mise à jour : 14 nov. 2023

Vainqueur du Tournoi des 6 Nations 2021, le Pays de Galles a depuis connu une crise sans précédent. Instabilité économique, dépressions ou encore menaces de grève, retour sur la déchéance du rugby gallois.


Le Pays de Galles n'y arrive plus

En 2021, le Pays de Galles remporte le Tournoi des 6 Nations, le plaçant au sommet du rugby européen. Deux ans plus tard, la nation britannique tombe au plus bas et connaît une crise sans précédent, marquée par une fracture profonde entre joueurs et fédération, sous fonds de problèmes économiques.


Le Pays de Galles est une terre de rugby, nation historique majeure de ce sport, possédant un palmarès fourni, 39 Tournois des 6 Nations dont 12 Grand Chelem, et trois demi-finales en Coupe du Monde. Une équipe qui vous marque, réputée pour ne jamais rien lâcher, emmenée par une ferveur immense, un public toujours présent, même sans résultats. Le rugby au Pays de Galles, c'est une religion, et le peuple gallois est viscéralement lié à son équipe de rugby. "On pourrait même dire que le rugby a contribué à créer la nation galloise", pour citer Carolyn Hitt, journaliste écrivant sur l'équipe nationale du pays depuis plus de vingt ans. Le XV du poireau nous offre donc toujours de grands matchs, et chaque joueur de rugby ayant pénétré dans l'antre du Principality Stadium de Cardiff, vous expliquera l'atmosphère unique qui entoure cette équipe galloise. Bref, une nation légendaire du rugby, qui a grandement contribué au développement de ce sport. Pourtant, depuis deux ans, les résultats sont en chute libre. Le Pays de Galles termine 5e des Tournois 2022 et 2023, essuyant une défaite humiliante contre l’Italie, puis un affront contre la Géorgie (défaite 12 à 13) durant les Autumn Nations Series. Ces deux défaites, à domicile, ont placé le XV du poireau au fin fond du gouffre. Sans oublier les claques reçues face aux nations de l'hémisphère sud, l'Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande. Le Pays de Galles en 2022, ce sont 3 victoires en 12 matchs. Un bilan tout simplement alarmant, que 2023 n'est pas venu améliorer. La Coupe du Monde n’a pas non plus contribué à relancer la machine rouge, finissant première d’une poule très faible, et éliminée en quart de finale face à une Argentine proposant peu de jeu.


Il est primordial de bien comprendre la crise qui touche le Pays de Galles aujourd'hui, une crise qui apparaît comme le symbole d'un rugby menacé. Mais sans évoquer le mal profond qui entoure la nation britannique, comment expliquer ces résultats ? Quelles en sont les raisons sportives ? Un système de jeu qui ne fonctionne plus ? Le retour de Warren Gatland, le "sorcier néo-zélandais", véritable légende du Pays de Galles, à qui il a donné plusieurs tournois des 6 nations, remis à la tête de l'équipe nationale après le licenciement de Wayne Pivac, n’y a rien fait. Le constat est dur mais réaliste, le jeu gallois est stéréotypé, et a plongé dans les abysses durant quelques mois la saison dernière. Aujourd'hui le Pays de Galles ne retrouve plus son jeu si séduisant, s'appuyant sur une défense infranchissable, qui ne fait malheureusement plus le poids. Les hommes en rouge n’arrivent tout simplement plus à rivaliser avec les plus forts. Le Pays de Galles est aujourd'hui pointé à la huitième place du classement IRB de World Rugby, l'un des plus mauvais de son histoire. L'équipe connaît surtout un manque cruel de joueurs qui sortent du lot, contrairement à la France, la Nouvelle-Zélande ou encore l'Irlande. Durant des années, la génération Biggar à permis a la nation britannique de connaître la meilleure période de son histoire. Une génération pétrie de talent, de grands joueurs, qui a remporté trois Tournois des 6 Nations, en 2013, 2019 et 2021, et une épopée jusqu'en demi-finale de la Coupe du Monde au Japon. Mais cette génération a fait son temps, est aujourd'hui déchue, et le Pays de Galles souffre d'un effectif vieillissant depuis deux ans, un effectif qui a du mal à se renouveler. Comme un symbole, des joueurs emblématiques du XV du poireau tel Jones, Navidi, Rebb ou encore Halfpenny ont annoncé leur retraite internationale, pour certains avant la Coupe du Monde, pour d'autres juste après. Alors quelles sont les raisons de cet essoufflement ? Certains spécialistes pointent un vivier de joueurs qui ne serait pas assez conséquent, ou encore des problèmes de recrutement et de formation des jeunes pépites galloises. Le Pays de Galles possède 3 000 000 d’habitants pour seulement 46 000 licenciés à la Welsh Rugby Union, la fédération nationale de rugby galloise. Un ratio qui semble trop bas, pour une nation qui pourtant place ce sport au centre de son existence.

"Quand je suis revenu pour le 6 Nations, je n'en avais aucune idée. Je n'avais pas réalisé tout ce qu'il se passait derrière le rugby, l'équipe et les joueurs. A ce moment-là, si j'avais su, j'aurais sans doute pris une décision différente et serais allé autre part".

Il y a huit mois, en plein Tournoi des 6 Nations, marqué par deux défaites après deux journées (une première depuis seize ans), la crise galloise éclate au plein jour. Une crise sans doute gardée sous silence pendant de longs mois, qui a placé le rugby gallois au plus bas, à toutes les échelles. Les joueurs menacent de faire grève et de ne pas jouer le match face à l'Angleterre, une première dans l'histoire du Tournoi. Cette décision frappante, laisse entendre à la planète rugby la fracture profonde entre joueurs et fédération. Un match qui se jouera finalement face à son confrère anglais, presque aussi malade que lui, pour une défaite galloise 20 à 10. Mais ce jour-là, le résultat est secondaire, et le principal ne se joue pas sur le terrain. La crise secoue tout le pays, et les joueurs expliquent avoir plusieurs revendications : ils contestent les renouvellements de contrats avec des salaires à la baisse, et la volonté de la fédération de ne garantir leur salaire qu'à hauteur de 80 %, le reste dépendant de primes et de bonus. D'autre part, ils veulent voir abolie la règle, en place depuis 2017, qui impose aux internationaux un minimum de 60 sélections pour pouvoir évoluer à l'étranger tout en restant sélectionnables. Des décisions qui posent problème, montrant les failles de la direction d'une fédération ayant du retard sur ses homologues européens, dont les joueurs gallois parlent

Warren Gatland, de retour aux affaires

comme d'une organisation vieillissante, qui ne s'est pas adaptée au rugby moderne. Une fédération en pleine tempête, qui avait déjà été secouée en début d'année 2023, après la démission de Steve Phillips, directeur général de la fédération, pour des accusations de sexisme à son encontre, premier indice du mal profond de la fédération galloise. Warren Gatland, redevenu entraîneur du XV du dragon juste avant le début du Tournoi des 6 Nations 2023, déclare n'avoir jamais été prévenu de la situation : "Quand je suis revenu pour le 6 Nations, je n'en avais aucune idée. Je n'avais pas réalisé tout ce qu'il se passait derrière le rugby, l'équipe et les joueurs. A ce moment-là, si j'avais su, j'aurais sans doute pris une décision différente et serais allé autre part". Des paroles presque sidérantes, alertant sur l'état d'une des nations européennes les plus importantes dans le milieu du rugby.


Pour bien comprendre cette crise, il faut revenir sur le format du rugby gallois. Les joueurs sont sous contrat avec leur fédération, et non pas leur club, comme en France par exemple. La fédération galloise signe des contrats avec les quatre clubs de province du pays, les Ospreys, les Scarletts, les Dragons et Cardiff, concernant un vivier de joueurs internationaux, afin de faciliter leur mise à disposition de l'équipe nationale. Une structure présentée comme dépassée, qui pose trop de problèmes. Surtout quand la fédération galloise connaît de gros soucis financiers. La crise économique a donc fortement impacté les quatre clubs de la province galloise. Déjà en 2019, le projet "Reset" avait pour but de changer la structure du rugby gallois, en fusionnant les Ospreys et les Scarletts pour créer une équipe plus compétitive. Un projet finalement annulé, qui avait reçu de nombreuses critiques de la part de joueurs gallois, alertant sur les choix douteux de la fédération. Ces clubs ont longtemps accueilli les joueurs internationaux gallois, puisqu'il fallait obtenir plus de 60 sélections avec l'équipe nationale pour pouvoir jouer à l'étranger. Une règle qui permettait donc à la fédération de conserver ses joueurs dans le pays. Mais les clubs placés dans des situations compliquées au niveau économique, la menace de grève en mars 2023 a permis aux joueurs d'obtenir la réduction du nombre de sélection pour pouvoir quitter l'étranger, passant de 60 à 25. « Il s’agit d’un pas en avant significatif, qui assurera un avenir durable au rugby professionnel au pays de Galles », déclare Malcolm Wall, président du Professional Rugby Board, après cet accord trouvé entre la "WRPA", l'association des joueurs gallois et la fédération. Mais suite à cette décision, l'exode des internationaux gallois vers des clubs d'autres championnats s'est donc fortement accentué, laissant les clubs de provinces dans des situations préoccupantes. Des joueurs comme Dan Biggar au RCT, ou Thomas au MHR, ont rejoint le Top 14, pour des raisons salariales et dans l'optique de retrouver une situation stable, primordiale. Car certains joueurs avouent avoir connu des moments très compliqués.


"Je ne peux même pas contracter un prêt à la banque et je suis sous anti-dépresseurs".

Des situations qui poussent certains joueurs à faire des choix drastiques. Cory Hill, 31 ans, joueur prépondèrent du système de formation gallois, s’est retiré de la préparation à la Coupe du Monde pour chercher un contrat à l’étranger, symbole de la crise qui perdure : « Je suis dégoûté, mais une opportunité s’est présentée… ». Les joueurs apparaissent donc très marqués par cette crise, et craignent surtout pour leur carrière, au point de laisser de côté leur équipe nationale. Au cours des derniers mois, les langues se sont déliées au sujet de la direction de la fédération galloise. Dans une

Des joueurs gallois qui touchent le fond

interview donnée en mars 2023, Willis Halaholo, centre d'origine Néo-Zélandaise, qui a connu sa première sélection en février 2021, expliquait être en dépression, avec de lourds problèmes financiers : "je ne peux même pas contracter un prêt à la banque et je suis sous anti-dépresseurs". Les joueurs évoquent une fédération qui les délaisse, dans certains cas, sans même pouvoir subvenir au besoin de leur famille. La crise économique de la fédération galloise a précipité son rugby dans un trou sans fond, ayant frappé les joueurs de plein fouet. Une crise qui résonne aujourd'hui comme une alerte pour le rugby mondial, car d'autres pays comme l'Australie ou encore l'Angleterre et son championnat connaissent aussi des situations financières très préoccupantes.


Après deux ans de crise profonde, le Pays de Galles tente aujourd'hui de se reconstruire, avec pour premier défi la réorganisation de sa fédération et l'accompagnement des clubs, dans l'optique de retrouver une stabilité économique. Mais surtout côté sportif, le pays est en attente de résultats. Après une Coupe du Monde globalement fade et traversée comme un fantôme, le XV du Poireau conserve Warren Gatland à sa tête, et tente de bâtir une équipe solide, avec en point de mire la Coupe du Monde 2027. Retrouver l'identité du rugby gallois, autour de pépites comme l'ailier Louis Rees - Zammit, sur lesquelles il faut compter pour le XV du Dragon. A l'aube d'un renouveau, il faudra tout reconstruire. Mais le Pays de Galles a des ressources, et peut s'inspirer du XV de France, qui a connu un passage à vide plus long, et qui aujourd'hui pointe au sommet du rugby mondial. La nation britannique est maintenant attendue pour un premier rendez-vous en février au Tournoi des 6 Nations, avec l'espoir de tout un peuple, celui de revoir son équipe performer.

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