Les All blacks face au défi du renouveau
- Pablo Guillen
- 7 déc. 2023
- 4 min de lecture
La finale de Coupe du Monde perdue d'un point face à l'Afrique du Sud a mis un terme à une période historique pour la Nouvelle-Zélande. A l'aube d'un nouveau cycle, le pays du long nuage blanc a perdu une génération de légendes et doit se renouveler.

Les regards ne mentaient pas le soir du 28 octobre au Stade de France. Aux alentours de 23 heures, le coup de sifflet final de la Coupe du Monde a marqué la fin d'une ère de domination outrageuse All Blacks, les guerriers tous vêtus de noir tombés les armes à la main face à leurs plus grands rivaux sud-africains. Une défaite cruelle d'un point s'accompagnant du départ à la retraite de plusieurs joueurs emblématiques : Aaron Smith, Withelock, Retallick ou encore Dan Coles ont dit aurevoir à toute une nation.
153 sélections, 11 Rugby Championship, deux Coupe du Monde en 2011 et 2015, une finale en 2023 et une troisième place en 2019 : pas besoin d'apporter plus de commentaires au palmarès de Sam Withelock qui explique assez bien la domination de tous ces joueurs sur les dix dernières années. Pour l'anecdote, la Nouvelle-Zélande a joué 637 matchs dans son histoire et Withelock a participé à 153 d'entre eux. Le deuxième ligne emblématique a donc contribué à 24% des matchs des All Blacks, un chiffre absolument colossal.
Si le pays était prévenu, face à de telles pertes, de si grands joueurs qui ont permis à la Nouvelle-Zélande de dominer le rugby mondial durant une dizaine d'années, le jour d'après est plus que difficile et le nouveau projet doit prendre forme assez rapidement. La fédération néo-zélandaise a déjà pris les devants en annonçant le nouveau sélectionneur Scott Robertson pour remplacer Ian Foster et souhaite resigner Bauden Barrett pour 4 ans de plus jusqu'à la Coupe du Monde 2027 en Australie. Les All Blacks ont pour objectif de conserver leur joueur star même si il s'est engagé dans une équipe japonaise. Il aurait alors 36 ans lors de la prochaine édition. Malgré l'arrivée de nouveaux joueurs de talents comme McKenzie ou Roignard, le vide laissé par Smith et ses coéquipiers ne semble pas pouvoir être comblé du jour au lendemain.

Le président de la Fédération néo-zélandaise Mark Robinson a dernièrement réaffirmé sa politique d'inéligibilité des internationaux jouant à l'étranger, alors qu'ils sont beaucoup à avoir rejoint des clubs d'autres pays. Barrett n'est pas le seul à avoir quitté le Super Rugby. Richie Mo'unga, demi d'ouverture des Blacks est lui aussi parti jouer au Japon, signant un contrat sur la durée. « Je me vois vraiment jouer ici aussi longtemps que possible, jusqu'à ce que je prenne ma retraite », déclare le néo zélandais pour l'AFP. Sam Cane le capitaine des All Blacks et Savea élu meilleur joueur World Rugby de l'année 2023 ont tout deux également signé sur l'archipel pour une durée plus courte et seront donc éligibles pour rejoindre la sélection. Mais cela en dit beaucoup sur le système de l'île pacifique. Des joueurs emblématiques quittent le championnat du Super Rugby réunissant tous les clubs de Nouvelle-Zélande pour aller jouer dans d'autres pays.
Si la Coupe du Monde a permis aux hommes en noir de briller, cela faisait quelques mois que la sélection était mise sous pression, ayant essuyé plusieurs défaites humiliantes, contre l'Argentine (18-25) durant le Rugby Championship 2022 puis la plus lourde défaite de leur histoire en préparation à la Coupe du Monde contre les Springboks (35-7). Des performances et un niveau de jeu en baisse qui inquiétaient les spécialistes. Malgré l'échec d'un point en finale la Coupe du Monde semble avoir balayé les craintes mais les Blacks sont très attendus en 2024 après le départ de sa génération historique. Alors faire émerger de nouveaux joueurs est une des premières requêtes pour une équipe globalement vieillissante. Et au pays ce n'est pas le talent qui manque.
La Nouvelle-Zélande est la nation qui comporte le plus de pratiquants par rapport au nombre d'habitants : 150 000 licenciés pour 5 millions de personnes, un rapport tout simplement énorme. Le rugby est plus qu'une religion et chaque enfant rêve de jouer avec le maillot noir sur le dos.

Le système néo-zélandais fonctionne sur quatre niveaux différents. Le Club Rugby, la Mitre 10 Cup, le Super Rugby et les All Blacks. Le Club Rugby étant la division amateur, un joueur néo-zélandais peut accéder en trois étapes à l'équipe nationale, un système très différent de la France. Pour résumer, une équipe de Mitre 10 Cup, championnat semi-professionnel, peut appeler un joueur du Club Rugby et si ce dernier vient à performer sur quelques années, alors une franchise du Super Rugby peut lui proposer un contrat. En clair les quatre échelons sont très liés et tout est strcturé pour développer au maximum les capacités des joueurs. Et fait assez extraordinaire, si un joueur du Super Rugby ne performe pas, il peut retourner au Club Rugby, l'échelon amateur. Exemple du niveau de jeu qu'on peut retrouver dans cette division. Avec un vivier de joueurs si importants, la sélection nationale doit s'appuyer sur son système pour faire émerger de nouvelles têtes.
Les All Blacks sont donc à l'aube d'un nouveau cycle. Si elle aura pour objectif de remonter sur le toit du monde, la Nouvelle-Zélande doit s'appuyer sur un projet stable avec un effectif pour durer dans le temps, prenant exemple sur celui des dernières années, qui lui a permis d'être la meilleure équipe de l'histoire. Fort de son vivier infini, le pays du long nuage blanc semble avoir toutes les ressources pour palier à la retraite de ses légendes et retrouver sa grandeur historique.
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