Finn Russell ou l'antithèse du rugby moderne
- Pablo Guillen
- 11 déc. 2023
- 4 min de lecture
Souriant et fantasque, agaçant et nonchalant, le joueur écossais de 31 ans représente l'antithèse du rugby moderne. Depuis quelques années il fait vibrer les cœurs, pour le pire et le meilleur.

Il est l'un de ces joueurs qui incarnent le rugby champagne à l'ancienne, loin du jeu stéréotypé d'aujourd'hui, un joueur qui vous donne envie de vous plonger pour toujours dans ce sport. Son attitude nonchalante, son sourire espiègle toujours au visage, l'écossais est un joueur différent, sujet de débat depuis le début de sa carrière pour son inconstance. Capable de grands coups de génie, le nouveau joueur de Bath alterne entre excellence et médiocrité. Avec lui c'est souvent du 50-50 et s'il est dans un "bon jour" sa performance peut changer un match. Loin d'être uniformisé par le jeu moderne il est un des derniers joueurs atypiques du rugby d'aujourd'hui. Venant d'une petite ville dans la banlieue d'Edimbourg, Finn a baigné dans le rugby dès sa naissance, gravissant tous les échelons du système écossais jusqu'à devenir un cadre de l'équipe nationale. Russell apparaît comme l'écossais cliché, cool et relâché qui malgré l'exigence qu'accompagne le professionnalisme joue au rugby surtout pour le plaisir.
Joueur extravagant sur le terrain, ses tirades en dehors sur sa condition physique par exemple contribuent à son image fantasque. Cette interview donnée au Midi Olympique en 2022 avait fait beaucoup de bruit : «Il y a quelques vannes, oui… En salle de muscu, je fais ce que j'ai à faire pour être prêt le week-end, pas davantage. Moi, je suis un rugbyman, un demi d'ouverture, pas un bodybuilder. L'important, pour moi, c'est le côté psychologique ; c'est de rester heureux sur et en dehors du terrain. C'est ainsi que je pratique mon meilleur rugby. Mon corps n'a pas d'importance à mes yeux. Je me fous de ne pas avoir des tablettes de chocolat. J'aime trop les burgers et les pizzas, de toute façon…».

Le joueur emblématique des Glasgow Warriors pour lesquels il a joué de 2012 à 2018 a depuis quelques années animé la planète rugby avec des actions de grande classe : sa passe à l'aveugle dans l'intervalle pour Johnson en 2019 face à l'Angleterre lors d'un match de légende où il avait également marqué l'essai de l'égalisation sur une interception qui s'était soldé par un nul 38-38 avait contribué à sa masterclass. D'un autre côté, et c'est bien ce qui en fait un joueur atypique, il est capable d'actions improbables : sa transformation ratée face à l'Equipe de France à 5 mètres des poteaux sur un manque de concentration en est l'exemple typique. Capable de tout puis de rien, Russell est un joueur différent qui a toujours le sourire aux lèvres même quand il fait n'importe quoi, et c'est pourquoi on l'apprécie. Pour lui le rugby semble être avant tout un jeu et ça fait du bien à ce sport qui n'en finit plus d'aller vers une starisation des joueurs.
Ces dernières années l'écossais a pris une autre dimension et incarne le renouveau de son équipe nationale, fait de jeu et de vitesse, flamboyante. 72 fois titulaires en 74 sélections, Russell s'affirme comme un cadre de l'équipe d'Ecosse. Et ce n'est pas anodin, car comme ne cessent de le répéter de nombreux journalistes sportifs, les résultats du XV du Chardon sont très souvent conditionnés par la performance de son numéro 10. Si l'Ecosse n'a toujours pas remporté de trophée majeur depuis 1999, Russell a bouleversé le visage de sa sélection. Au pays il est sujet de discorde, certains l'adulent, d'autres sont ses détracteurs. "Leader désigné" selon le talonneur écossais Ashman, Finn Russell s'est vu attribuer le capitanat de son équipe en avril dernier, preuve de l'importance qu'on lui accorde.

Si le Tournoi des six nations est attendu chaque année pour savourer le jeu de l'Ecosse et son maître à jouer Russell, le passage du joueur né à Bridge of Allan au Racing 92 a permis au championnat de France de mieux découvrir le joueur mais aussi l'homme, attachant. Ses coups fantasques et ses contre-performances ont animé durant plusieurs saisons les pelouses du Top 14. L'écossais garde cependant un mauvais souvenir de son passage au Racing. Jamais décisif dans les grands matchs et non qualifié pour les phases finales durant sa dernière saison, le joueur s'est confié pour Rugbyrama : "Ma dernière saison ne fut pas satisfaisante et j'en ai souffert". Derrière son image de joueur nonchalant, Russell a atteint un âge plus mature et une contre-performance comme celle-ci ou encore comme l'élimination en Coupe du Monde n'est plus anodine pour lui.
A 31 ans, Finn Russel vient de rejoindre le championnat anglais pour un nouveau défi à Bath. Comme un symbole, le club anglais en difficulté depuis plusieurs saisons pointe aujourd'hui à la deuxième place de la Championship. S'il peine encore à enchaîner les matchs de haut niveau et n'a jamais remporté de trophée majeur, l'écossais s'affirme comme un joueur hors-norme de la planète rugby. Il permet surtout à son sport de conserver de la spontanéité en s'évadant de son système moderne stéréotypé et pour cela on ne peut que le remercier.
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