Tournoi des Six Nations : la longue attente écossaise
- Pablo Guillen
- 26 janv. 2024
- 4 min de lecture
Le XV du chardon court après une victoire dans le Tournoi des 6 Nations depuis sa création et l'arrivée de l'Italie en 2000. Après avoir passé une période difficile, l'Écosse séduit à nouveau et peut se mettre à rêver.

Tous les ans à la même époque, la ferveur du Tournoi des Six Nations parcourt l'Europe. La compétition la plus ancienne du rugby international a perduré jusqu'à devenir aujourd'hui l'une des plus emblématiques de l'histoire. C'est l'affrontement le plus attendu de l'année, celui des peuples, des grandes rivalités du ballon ovale et nombreux sont ceux qui vous diront que le Tournoi des Six Nations est plus prestigieux que la Coupe du Monde, rien que ça.
Au nord de l'Angleterre, dans la brume des landes et des marais, un peuple attend toujours son heure. L'Ecosse est une nation historique majeure du rugby. Présente à la création du Tournoi en 1882, à l'époque opposant seulement les trois nations britanniques, Pays de Galles, Angleterre et Ecosse, elle a connu l'arrivée de l'Irlande en 1893, de la France en 1910 puis récemment de l'Italie en 2000, date du passage du Tournoi de cinq à six nations.
Le pays du chardon a brillé dans les années 1910 et 1920. Quatre victoires dans la première décennie et cinq dans la deuxième. Si depuis 1882 elle a remporté 22 fois la compétition, sa dernière victoire remonte à 1999. Depuis, plus rien. L'Ecosse, pays de rugby par excellence n'a donc jamais soulevé le trophée dans le format à six équipes et court chaque année après un premier sacre. Pire encore, elle a encaissé trois cuillères de bois, trophée décerné à l'équipe qui perd ses cinq matchs, durant les deux dernières décennies, en 2004, 2012 et 2015, une catastrophe pour la nation.
Le rugby en Ecosse est sacré. L'amour du peuple pour celui-ci est inégalable. Quand retenti Flower Of Scotland, mythique hymne écossais, dans l'enceinte de Murrayfield, on prend la mesure de l'effervescence du peuple pour son équipe nationale. Le pays s'arrête au rythme de Russell et de ses coéquipiers, dans l'espoir de les voir ramener un jour le trophée.

Depuis quelques années, l'Ecosse séduit par son jeu. La génération incarnée par le sublime maître à jouer Finn Russell a permis au XV du Chardon d'exister à nouveau et d'être considéré comme une équipe redoutable, occupant aujourd'hui la 6e place du classement IRB. Pendant trop longtemps, les adversaires sont venus sans pression à Edimbourg. Aujourd'hui, c'est différent. Et ce nouveau statut l'Ecosse le doit notamment à un homme : Gregor Towsend. L'ancien joueur écossais a repris les rênes de la sélection nationale en 2017 et en a fait une formation solide, capable de tout et même de battre les meilleures équipes du monde.
Elle a gardé son panache qui lui est caractéristique, additionné à un plan de jeu solide. Mais plus que tout c'est l'amour du maillot et la fierté de jouer pour son pays qui prime : « Avec 25 000 licenciés, ils ne peuvent pas prétendre à la densité de l’Angleterre ou de la France, mais il leur suffit de cinq ou six très bons joueurs pour embarquer le reste, l’esprit d’équipe et le sens du devoir font le reste » explique Daniel Herrero, ancien joueur du XV de France.
Depuis trois ans, l'Écosse a pris la bonne habitude de battre à chaque édition son voisin anglais. Ces victoires sont symboliques à plusieurs titres. D'abord parce qu'il n'y a sans doute pas plus important pour un écossais que de battre l'Angleterre. Une rivalité qui va au-delà du sport, un affrontement mythique récompensé par la Calcutta Cup, plus vieux trophée de l'histoire du rugby, décerné pour la première fois en 1878.
Mais d'un autre côté elles sont également le symbole des échecs écossais dans le Tournoi. Ces trois dernières éditions, marquées par ces victoires, ont vu l'Ecosse balbutier son rugby par la suite, retrouver ses travers d'antan qui l'ont précipité dans un gouffre. On pourrait dire que l'Écosse cultive la constance dans l'inconstance. Capable de coups d'éclats (Finn Russell en est l'exemple), de matchs aboutis, elle ne parvient pourtant pas à maintenir son jeu durant tout le Tournoi.
L'an dernier, l'Écosse est allé gagner à Twickenham avant de tomber face à la France puis à Murrayfield face à l'Irlande. Si les deux géants d'Europe laissent peu à leurs adversaires ces derniers temps, ces défaites encourageantes de l'Écosse frustrent, tant le potentiel est immense.

À une semaine de l'ouverture du Tournoi des Six Nations 2024 et du premier match de l'Ecosse face au Pays de Galles le 3 février, le sélectionneur Towsend a donné le ton :"Je crois que ce Tournoi sera le plus compétitif que nous ayons jamais connu". L'Ecosse devra maintenir un niveau de jeu sur deux mois pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs. Si elle ne parvient pas pour le moment à décrocher le titre, elle est une équipe adorée par la planète rugby, pour son jeu, ses joueurs facétieux et la ferveur qui l'entoure. Elle ne perdra en tout cas jamais l'amour de son peuple, gravé pour l'éternité.
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